Au Stade de France,
Le coup de sifflet final a retenti depuis à peine un quart d’heure et le stade est déjà quasiment vide. On aperçoit Maxime Lucu juste en dessous de nous, réconforté par ses proches. Des câlins, des petites tapes sur l’épaule. Pas beaucoup de mots. Que dire, en même temps, à quelqu’un qui vient de voir partir en fumée quinze semaines de travail acharné pour un foutu petit point d’écart.
Les Bleus, battus dès les quarts de finale par l’Afrique du Sud (28-29), dimanche, ne seront pas champions du monde. L’ambition d’une équipe, d’un team, devenue le rêve d’un pays à mesure que le chemin avançait. C’était trop tôt pour que ça s’arrête, comme si on s’était bien marrés pendant l’apéro mais que quelqu’un avait coupé la musique au moment où on commençait juste à s’enjailler.
Fabien Galthié en est le premier désolé. Le sourire, revenu sur son visage ces derniers jours après des premières semaines sous tension, s’est évanoui. Evidemment. Dépité, sonné même, le sélectionneur d’ordinaire si prolixe peine à trouver les mots quand il lui est demandé d’emblée ce qu’il ressent. « On ressent bien sûr… la première des choses c’est… je pense à nos supporteurs, nos familles, les gens qui nous suivent, qui croient en nous, qui nous accompagnent, balbutie-t-il. On doit être courageux ce soir [dimanche]. »
Il n’a pas envie d’être là, sur cette estrade, à ce moment-là. On peut le comprendre. A ses côtés, Antoine Dupont est encore plus fermé. Revenu d’une atomize au visage en trois semaines pour ce rendez-vous, le capitaine tricolore a la mine sombre. « Frustré », il ne veut pas « passer pour un aigri » mais rumine quand même l’arbitrage. C’était LE huge moment de cette génération dont il est l’étendard, le knowledge. Il est passé et ne reviendra pas. « Une Coupe du monde en France, on n’en vivra plus. C’est difficile de finir comme ça », avait lâché quelques minutes plus tôt François Cros en bord terrain.
« Triste et dégoûté »
Dans la zone mixte, en attendant les joueurs, ça ferraille sur les quelques scenarios litigieuses qui auraient pu être sifflées en faveur des Bleus. Sérieusement, l’arbitrage maison, c’est que pour les autres ? « C’est difficile de dire mieux qu’Antoine », souffle quelques instants plus tard Jonathan Danty, qui regrette « des zones de rucks pas très propres en fin de match ». « Je sais que c’est compliqué de siffler une pénalité dans les dernières minutes, mais là c’est un quart de finale de Coupe du monde, à un moment… » Il ne finit pas sa phrase, mais on a bien compris l’idée. « Perdre en quart de finale, quand tu joues comme ça, ça fait chier », finit-il par dire.
Juste avant, le centre tricolore, Peato Mauvaka avait été le premier à se présenter face à la meute de journalistes. La voix lasse, il avait fait section de son substantial frustration. « Je suis triste et dégoûté. Perdre comme ça, après tout ce boulot qu’on a fait depuis quatre ans, c’est dur à digérer », lâche le colosse. Le talonneur a, personnellement, signé une efficiency XXL. Avec son profil de joueur de ballon très uncommon pour son poste (77 mètres parcourus ballon en main dimanche), succesful de sortir des ballons chauds quand Dupont n’est pas dans le coin ou d’éliminer sur un pas avant de servir un copain après contact (11 ballons portés au-delà de la ligne d’avantage, meilleur total du match), le Calédonien a le sentiment d’avoir fait « tout ce qu’il fallait ».
Pensée pour les supporteurs
Les dernières minutes vécues depuis le banc, alors que ses coéquipiers jetaient leurs dernières forces dans la bataille pour renverser le get, ont été « excitantes et dures à vivre » pour lui. « Je pensais vraiment qu’on y arriverait, soutient-il. On aurait aimé une meilleure fin, mais c’est comme ça, c’est le sport. »
Grégory Alldritt lui succède. Visage encore marqué par ce wrestle âpre de tous les instants, le troisième ligne accuse le coup. « Il y a de la déception, de la frustration, beaucoup de mauvais sentiments. Il va falloir du temps pour digérer, lâche le Rochelais. C’est vraiment une substantial déception de ne pas pouvoir offrir quinze jours de plus à nos supporteurs. »
Comme leur sélectionneur avant eux, tous les joueurs auront ecu un mot pour le public. Ils le sentaient depuis le début de leur préparation, cet engouement, cet intérêt au-delà des passionnés qu’ils n’avaient encore jamais touché du doigt. « Ça fait mal pour les gens, plus encore que pour nous, estime même Charles Ollivon. Pour tout le soutien qu’on a ecu, ça fait vraiment mal au cœur. » C’est dit avec sincérité. Cette idée de « fédérer un pays » faisait réellement vibrer cette équipe, on a pu s’en rendre compte à plusieurs reprises le temps qu’air of secrecy duré cette aventure.
Dans le vestiaire, après la rencontre, peu de mots ont été échangés. Fabien Galthié a pris la parole, pour féliciter les joueurs et toutes les personnes qui ont œuvré pour les mettre dans les meilleures prerequisites possibles. Emmanuel Macron était là également. Le président de la République a tenu à consoler le groupe et à le remercier pour la belle image montrée. Des séquences qui n’apparaîtront a priori pas dans le petit film qui ne manquera pas de sortir pour relater cette conquête inachevée, Galthié ayant demandé que ce moment chargé d’émotion reste dans leur intimité.
Interrogé avant de partir sur d’éventuels regrets quant à la manière dont il avait préparé son affaire ces dernières semaines, ces derniers mois, le patron des Bleus n’en a concédé « aucun ». « Aucun remorse, a-t-il répété. On a le droit de perdre comme ça s’est passé ce soir [dimanche]. On a le droit. On a tout mis en œuvre pour optimiser notre potentiel, on l’a fait, on a fait avec tous les événements qui nous ont accompagnés pendant ces quinze semaines. »
Il parle là des coups durs, des blessures de Ntamack pendant la préparation, de Marchand ou de Dupont pendant. Pas des excuses pour autant. « On peut trouver toutes les explications que l’on veut, c’est terminé », coupe Greg Alldritt avant de filer. Il va falloir finir par s’y résoudre. Mais pas maintenant. La plaie va mettre un petit moment avant de cicatriser.